Aiguille Gugliermina - 3893 m
voie Gervasutti-Boccalate ED- 650 m
Aller faire l'Aiguille Gugliermina, sur le versant Sud-Ouest de l'aiguille Blanche de Peuterey, par la voie ouverte par G. Gervasutti et G. Boccalate en 1938, c'est aller faire un grand voyage, une mini-expédition.
Car avant de commencer la voie, l'approche est déjà une véritable course en montagne. Qu'on fait de nuit, bien sur. Du glacier, de l'escalade facile, on passe le col de l'Innominata (ce nom seul fait froid dans le dos), deux rappels coincifs dans le noir, encore du glacier très crevassé, et finalement le jour se lève quand on arrive près de l'îlot rocheux.
Partis avec Jean-Hervé Colle faire cette voie ED- en 1979, je crois que c'est resté ma voie la plus dure en haute montagne. Pourtant aucun pas d'escalade n'est extrême. Mais après cette marche d'approche terrible on grimpe très longtemps dans du 5-5+, en passant sous des stalactites de glace, on fait une traversée "à la corde" sur un filin en place, blanchâtre et pourri (au lieu du 6b), on finit la traversée en 5-5+ en tirant un peu quelque clou, puis on repart vers le haut, plus essoufflé sur des dalles toujours difficiles jusqu'en haut, presque 3900 m d'altitude.
Et quand on est au sommet, il y a encore "du boulot": rappels dans des goulottes qui dégorgent, longue, très longue descente dans un couloir de pierres instables (vires Schneider). Là on remet les grosses pompes (Ah, le soulagement des orteils !), et rebelote faut faire l'approche dans l'autre sens: le glacier crevassé, remonter au col de l'Innominata, et enfin redescendre au refuge Monzino.
Nous étions tout honteux d'y arriver si tard qu'une deuxième nuit au refuge s'imposait, mais le gardien nous a mis à l'aise en nous servant un monstrueux plat de nouilles fumantes: déjà d'y arriver sans bivouaquer c'était exceptionnel, et de nous citer des "grands noms" de l'alpinisme qui avaient bivouaqué au retour, sur la vire Schneider sous l'auvent en bas de l'éperon, sans l'avoir prévu (donc sans mathos) ! Ouf!
Quand on revient de là, on revient de loin. Les mains noircies par les mitaines en cuir qui ont bien déteint dans les goulottes. On a bien grimpé, oui, mais surtout on a été "en montagne", pas de doute.
Topo, click l'image: Voie 2, fil du pilier, par la Dr
Piola, topo Massif Mt Blanc, Ed.Equinoxe, Genève, 1993
Bonnes photos de la course sur TV-mountain
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