Denis Corpet aux Cosmiques, click TOPO Cosmiques, click

Solo Cosmique
Arête des Cosmiques
à l'Aiguille du Midi

Escalade mixte 300m AD, altitude 3842 m

Que faire quand on est tout seul, débordant d'énergie, bouillant de dynamisme, à l'aiguille du Midi ? On peut donner un coup de main: porter le mathos des techniciens qui installent un relais télé, ramasser les déchets des touristes. On peut aussi aller grimper. Si l'on n'est pas trop fort, faire l'arête des Cosmiques (Photos: Bernard Guy).

En Juillet 2005 j'étais monté (en télé!) à l'aiguille pour "me faire des globules", en prévision d'une hypothétique Walker aux grandes Jorasses, avec Nono, en Août après Biviers. Seigneur Météo nous renvoya sur l'Olan, mais en attendant, je séjournais à 4840 m, avec Etty Hillesum comme compagne, quelques vivres et une dizaine de litres d'eau dans des bouteilles plastiques. J'avais envisagé l'arête des Cosmiques en solo. Alors, après une nuit à vomir mon inadaptation (et le verre de vin rouge du dîner), je me suis engagé dans le noir tunnel glacé, ai débouché en clignotant des yeux sur la terrasse enneigée, mis mes crampons, et descendu bien en canard l'arête Est de l'aiguille du Midi. Pas de sac pour cette petite balade: piolet, crampons, baudrier, 2 mouskifs et 20 m de cordelette de 6 mm (il y a un petit rappel).

Cosmiques, vue sur Tacul, click Après la descente, je tourne à droite et traverse sous la belle face Sud en clignant des yeux pour reluquer la Rebuffat (grimpée en 2001), puis l'éperon. Je fais un peu gaffe aux crevasses, mais nulle ne baille à c't'heure. Avant le refuge des Cosmiques, je monter la pente à droite, qui brille de tous ses cristaux. La neige est toute neuve, aucune trace: trop bien !

Au ruines de l'ancien refuge Simon, j'enlève les crampons et les accroche au baudrier, ainsi que le piolet, et me voila parti à fond la caisse sur ce superbe granite fauve, très facile (2-3), mais bien sympa: c'est tout de même de l'escalade, et la solitude en un tel lieu est un nectar enivrant. Je l'avoue: après 100m à fond la caisse, je suis complètement asphyxié : j'avais oublié qu'on ne passe pas impunément de Toulouse à Cham (pourtant l'an dernier, au Mont Blanc, j'en avais chié!). Je calme un peu le rythme, et après les premiers dièdres, continue par des traversées en dalles vers la droite. Puis je repasse sur le fil, pour arriver au rappel après un défilé horizontal.

Le rappel ! c'est le moment de dérouler ma cordelette, espérant qu'elle sera assez longue: pas parfait, mais ça d'vrait "l'faire". Demi-cabestan sur un mouskif, je démarre prudemment: ça freine peu, mais assez. A bout de corde, je rappelle et continue la désescalade dans du mixte facile. J'arrive ainsi à la neige, je contourne par la droite un grand gendarme de granite orange, et ça remonte, en glace et en neige. Petite hésitation: crampons ou pas? J'essaye sans, en tenant bien ma pioche - ça glisse un peu - et j'arrive sans encombres, mais le coeur battant, sur le replat qui s'arrondit des deux côtés en glissade. Je retrouve le bon rocher, d'énorme blocs amusants dont les vagues s'arrêtent sur un mur percé d'un énorme clou.

Le Mur ! Avec ou sans ? J'essaye sans toucher au clou, et ne trouve pas ça si facile: tellement de crampons ont rabotés le granit que l'adhérence n'est pas top. Plutôt 4+ ou 5 que le 3/4 du topo. On passe ensuite de l'autre coté de l'arête, vers la gauche. Un bloc géant au couvercle horizontal, un grand pas, on redescend un mètre puis on traverse en face Nord dans du mixte pas facile partout (encore quelques pas de 4 d'après moi). Pas évident non plus de savoir où ça passe à la fin: je choisis de remonter assez vite sur l'arête par une fissure très verticale mais très franche (4) plutôt que de continuer dans le mixte un peu péteux. Et m'y voilà, l'échelle est en vue, et l'arête horizontale qui y mène est "à vache". Bon, ce n'était pas si dur, cette voie en solo. Mais que c'est beau, la protogine rouge sur la neige aveuglante.

Cosmiques, vue sur Jorasses, click L'après-midi se farniente à lire au soleil, visiter couloirs et restaus, observer japonais et anglaises, boire thés et cafés, et surtout contempler les faces et sommets enivronnants. Le lendemain matin, temps de chien (de traîneau): blizzard et neige, visibilité nulle, froid de canard. J'ai rendez-vous avec Bernard Guy à 9h, mais je doute fort qu'il paye son ticket pour monter dans la crasse. Pourtant, à 9h00 voici notre géologue physicien, tout sourire, et qui nous apporte une bonne corde et ... le soleil. Et c'est reparti pour un tour, je l'emmène avec joie à
L'arête des Cosmiques !

Bernard grimpe vite et bien. On s'entend à merveille : encordés en cordée, c'est bien aussi. Il prend quelques photos. On sort avant le déjeuner malgré quelques embouteillages, et le voilà parti. Je reste seul à nouveau, si on peut parler de solitude en ce haut-lieu du tourisme interlope. Après mon déjeuner, me reprend l'envie d'en découdre. Monter seul au Tacul ne serait guère prudent, surtout cette année (crevasses ouvertes). Mais, pourquoi pas refaire encore en solo cette belle...
Arête des Cosmiques ?
Et c'est reparti pour un tour (rassurez vous, le dernier pour cette année !). Si après ça j'ai pas des globules rouges !

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