Pierre Godechoul, de Pamiers, m'invite à aller grimper avec lui. Il me connait par mon site, et m'écrit un E-mail à l'automne 2019. Objectif: la voie Joséphine, en face Sud de la dent d'Orlu. Une superbe escalade sur un granite de rêve, bien équipée,avec une belle source au 10ème Relais. J'y suis déjà allé 6 fois: cinq fois seul avec Joséphine, et une "2Jo" (Joel+Josefine) ! La journée fut superbe, et la cordée amicale et efficace, mais... Beaucoup de pluie depuis qq jours, et nous aurions du emporter des palmes ! Récit de Pierre en bas de cette page, sous les photos, et ici en pdf récit de Pierre: Osez Joséphine !
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Brève connaissance après quelques échanges de mails. Une passion commune pour la montagne nous anime. Nous décidons de nous rencontrer en faisant une escalade : à la Dent d’Orlu par la voie « Joséphine ».
C’est une belle journée d’automne qui s’annonce, avec cependant un petit bémol : il a plu un peu dans la nuit. Cela se traduira par de larges trainées humides, voire coulantes sur la paroi. Mais nous n’en sommes pas là pour le moment.
Arrivé de Toulouse, Denis me rejoint chez moi à Pamiers d’où nous faisons voiture commune jusqu’à l’arrivée au bout de la vallée d’Orlu. On se gare après un passage canadien du côté du pont de Bisp.
Il va sans dire que nous sommes bavards. Mais comme la montée dans le bois est droite, et la raideur de la pente allant en s’accentuant, nous devenons silencieux. En effet, le sentier qui s’enfonce dans le bois sombre au sol humide devient de plus en plus raide : je me tiens parfois aux racines et aux touffes d’herbes en baissant la tête à cause des branchages. Puis, le bois s’éclaircie, le bleu du ciel apparait. Bref, nous filons vers le royaume de l’isard. Denis passe devant car il connait l’approche pour avoir déjà réalisé la voie « Joséphine » en… solo ! C’est le guide, je suis serein.
Le sentier parfois s’effiloche ; nous louvoyons un peu pour finir par trouver les cordes fixes qui sécurisent les passages à flanc de pente menant au départ de la voie.
Il fait bon. Pas un souffle de vent. On s’équipe et on boit un coup. Denis me propose de grimper en tête, mais pour le moment, comme dit le fameux scribe : « je préfèrerais ne pas » : courageux mais pas téméraire ! Il y a de nombreuses trainées humides, délicates à négocier qui sont cependant plus impressionnantes que difficiles bien qu’il faille rester très concentré. Les points sont espacés mais la difficulté est loin d’être extrême. Nous progressons même corde tendue afin de ne pas trop perdre de temps : 26 longueurs ce n’est pas rien. Les journées raccourcissent en ce moment. Denis est en joie quand il grimpe ; il se met à chantonner des airs classiques en mettant à l’honneur le local Gabriel Fauré.
Colchiques sur les parois, fleurissent, fleurissent,
Colchiques sur les parois fleurissent au bout des doigts.
Quand les chaussons se mouillent sur la paroi ou alors qu’ils se sont posés sur un passage de terre humide, Denis les essuie avec un chiffon – technique bleauzarde m’explique-t-il. Pour ma part je me frotte le chausson sur mon beau velours vert. Ah oui, nous portons le même knickers vert foncé, celui que portaient les montagnards de Jadis (avec chaussettes rouge et Galibier !)
A L10 nous arrivons à une ravissante source située en plein sur une vire au niveau du relais. L’eau claire et fraiche glougloute… La pause s’impose ! En levant la tête nous voyons de nouveau la paroi dégoulinante de nombreuses et sombres trainées qui contrastent avec la paroi lumineuse. Oui, le soleil est partout maintenant.
La perspective s’élargit, le relief prend du volume et de la profondeur. En face de nous, l’imposante face où se logent les voies « Illiade » et « Odyssée ». En nous retournant, une vue plongeante sur la vallée tapissée d’arbres et de verdure. Et partout un beau silence… Une paix magistrale parsemée de nos prises de parole. C’est moins une voie d’escalade proprement dite qu’un surprenant cheminement, une sorte de petit voyage qui permet de faire connaissance avec une partie de la Dent d’Orlu.
Denis repart en tête. Plus haut, je prends les commandes pour 2 ou 3 longueurs. Mes appréhensions fondent à mesure que ma concentration augmente. Même la traversée de passages humides n’altère pas ma sérénité. Derrière, mon second de cordée galope !…
Puis Denis reprend la tête. Arrive une traversée herbeuse facile avant les longueurs menant à la Taillante. Denis me propose d’escalader en tête la dernière longueur me disant qu’il y a un pas très joli sur un petit ressaut. Instant de joie : j’ai tout le loisir de contempler l’ambiance altière du lieu à califourchon sur la Taillante…
Denis effectue la longueur suivante jusqu’à la grotte. Nous nous restaurons un peu en contemplant la Main qui pointe vers le ciel.
Enfin, Denis me propose de partir en tête jusqu’à l’arête. Brève hésitation, puis je me lance… Dalles avec de bonnes prises… Un piton surgit… De l’herbe par touffes épaisses… Un piton surgit… puis un relais. De l’herbe par touffes épaisses… Un passage rocheux… Et enfin l’arête.
Denis repasse en tête jusqu’au sommet. Nous progressons corde tendue avec espacement d’une quinzaine de mètres en profitant de temps à autre de quelques spits. Le terrain est humide et à l’ombre, contrastant avec l’autre versant sec et lumineux.
Dent d’Orlu – 2222m
On se dé-encorde… On boit, on grignote… on refait les sacs… Quelques photos… et puis nous entamons la descente. Un peu glissante au début ; puis, arrivé au col de Brasseil, nous descendons légèrement vers la face Est que l’on quitte pour suivre la crête du retour. Fastidieuse la crête. Denis craint de se faire surprendre par la nuit. Je reste confiant. Mais lui sait ce qu’il nous reste encore à parcourir tandis que je crois le retour bien plus court. Nous finissons par entrer dans le bois et trouver le bon sentier. On s’hydrate à une source puis on allume les frontales pour terminer la journée (ou commencer la nuit !).
Il va sans dire que cette escalade va en appeler d’autres. Reste à trouver une paroi et une belle journée pour faire resplendir ces instants de partage.