Prof. Denis Corpet

Denis - Corpet - Recherches sur le Cancer

Un charcutier qui n'a pas le Cancer !
FAQ Questions-Réponses sur rapport OMS 2015
Viande & charcuterie sont cancérogènes

En 1989 je choisis d'étudier la prévention du cancer. Une année avec le génial Bob Bruce à Toronto, m'a appris la cancéro. Depuis, je recherche l'effet des aliments sur la cancérogenèse colorectale, le régime anti-cancer: cela m'a fait changer ma façon de manger (voir mes Aliments favoris). Prévenir vaut mieux que guérir : tous les jours 100 personnes apprennent qu'elles ont un cancer du colon en France, et souvent trop tard pour soigner: cinquante vont en mourir. C'est ce qui a tué, trop jeune, la maman de ma Florence.
J'ai eu beaucoup de chance et fait des découvertes importantes. Notamment avec Fabrice Pierre et Sylviane Taché, nous montrons l'effet promoteur des viandes rouges, en raison de leur contenu en fer héminique (c'est le "rouge" de la viande). En novembre 2007, le WCRF recommande de manger peu de viande rouge, et pas du tout de chacuteries ! C'est dommage, et peut-être idiot, "d'interdire les charcuteries". Donc, nous cherchons des stratégies préventives: Or quand nos rats mangent beaucoup de calcium, cela inhibe complètement les effets néfastes. On peut donc peut-être fabriquer des charcuteries "non toxiques" (WCRF conference, London 12 sept 2010).
lettre charcutier guingamp
Mais on connait des gens qui mangent beaucoup de charcuterie: Ils n'ont pas le cancer !
En effet, et suite à un gros "Buzz" sur charcuteries et cancer, suite à notre article dans Cancer Prevention Research 2010, un vieux charcutier de Guingamp m'a écrit fort poliment pour m'en faire la remarque. Ni lui, ni sa femme, ni son grand père, ni son oncle n'avaient eu de cancer, malgré une consommation de charcuterie qui "faisait honneur à leur métier". Sa lettre est savoureuse: cliquez ici pour la lire.
Sa lettre est "vraie" aussi: comme je lui ai répondu (voir ci-dessous), un "gros" mangeur de charcuterie augmente son risque de 20%, ce qui est "invisible" au niveau individuel. Mais qui peut avoir des effet important au niveau de l'ensemble des français, et des humains de la planète.

Professeur Denis E. CORPET
à M. X, charcutier à
22200 Guingamp

Cher Monsieur,
Merci beaucoup de votre lettre, qui m'a intéressé, et que j'ai lue avec attention.
Voici quelques éléments de réponse :
- L'article de Ouest-France était désolant, et le journaliste n'a pas tenu compte de mes corrections (la preuve: il n'a pas corrigé Copret quand je lui ai signalé)
- Ensuite l'épidémiologie montre que ceux qui mangent le plus de charcuterie ont, statistiquement, un peu plus souvent un cancer du colon que les autres. Un peu plus souvent, c'est environ +20%. Le risque d'avoir un cancer du colon dans sa vie est " à la louche " de 1 sur 20. Si les charcuteries sont vraiment en cause (ce qui n'est pas certain), au lieu d'avoir 1 cancer du colon pour 20 personnes, on aura 1,2 cancer pour 20 personnes. C'est " invisible ", et on peut donc facilement trouver 19 personnes qui mangent beaucoup de charcuteries toute leur vie et qui n'auront pas de cancer du colon (ce qui semble votre cas, et je m'en réjouis). Inversement, beaucoup de gens auront un cancer du colon sans avoir jamais mangé de charcuterie. Votre exemple de bonne santé ne " prouve " donc rien. Juste que les charcuteries ne tuent pas à tous les coups : heureusement ! (ça se saurait !)
Cependant au niveau de la santé publique, il y a chaque jour en France environ 100 personnes qui apprennent qu'elles ont cancer du colon, et la moitié en mourront dans les mois qui suivent. Si au lieu de 100, il y en a 120 (+20% à cause des charcuteries), cela n'est pas négligeable : 20 cancers de plus, et 10 morts de plus, chaque jour ! C'est important de savoir si c'est vrai, ne trouvez-vous pas ?
- Nos expériences chez le rat ont permis de vérifier que des rats qui mangent beaucoup de certaine viande saumurée expérimentale (un genre d'épaule cuite) ont un peu plus de micro-tumeurs (des lésions précancéreuses) que ceux qui n'en mangent pas. Ça ne prouve pas que le jambon ou les rillettes sont cancérigènes, mais ça montre un effet pro-cancer, de façon expérimentale (qui est une preuve). Ce qui nous intéresse le plus c'est de comprendre à quoi c'est du, pour pouvoir l'éviter. Et il semble que c'est l'oxydation de cette viande saumurée qui est en cause. Donc cela semblerait assez simple de l'éviter, soit en l'emballant sous vide, soit en ajoutant par ex. de la vitamine E, un anti-oxydant naturel.
- Enfin vous pensez important de distinguer entre la charcuterie traditionnelle et artisanale et l'industrielle. Il y a certes des différences, mais comme scientifique je n'ai pas de préjugé sur celle qui sera la plus saine. On a beaucoup d'exemples où les méthodes traditionnelles sont moins sures que des méthodes industrielles (ex. : produits fumés). Dans le cas des charcuteries, il semble que les nitrates-nitrites soient un des éléments de la toxicité : cela m'étonnerait que vous n'ayez pas utilisé de sel nitrité : est-ce que je me trompe ? Car sans nitrite, les produits ont une drôle de couleur (marron ou gris), un gout pas terrible, et surtout un grand risque de provoquer le botulisme.
Je vous avoue apprécier beaucoup le gout et la commodité des charcuteries, en particulier en montagne, mais vous m'excuserez de n'en pas manger chaque jour à mon petit déjeuner !
Avec mes sentiments respectueux et cordiaux

Septembre 2010 Denis Corpet - Famille Corpet
FAQ Viande, charcuterie, cancer: OMS-CIRC WHO-IARC octobre 2015