produits laitiers

Lait toxique ? - Bon Bio ? - OGM danger ? - Tous mes Cours - Bien manger - Pas grossir

Lait Toxique ?
Faut-il arrêter les produits laitiers ?
par Denis Corpet, 30 sept.08 MàJ mai 2013

Après un cancer, les gens changent de vie. Par exemple, après leur cancer du sein, certaines femmes arrêtent de boire du lait et de manger des produits laitiers. Ont-elles raison ?

Je pense que c'est dommage de se priver de lait, mais comment en être sûr ? Nous, les scientifiques, cherchons ce qui est vrai "en général". La Science ne peut donc rien dire "du particulier": Impossible donc de dire si "telle femme" a raison de se priver de lait. Car ce qui est bon "en général" est peut-être mauvais "pour elle" *. Un exemple ? Les nouilles sont bonnes pour les enfants, mais pas pour celui qui a la maladie coeliaque (intolérance au gluten). Ce n'est pas une raison pour interdire les pâtes à la cantine !

Plus de Lait = Plutôt moins de Cancers

En Norvège, une grande étude sur 48 844 femmes montre que celles qui boivent plus de trois verres de lait par jour ont moins de risque de cancer du sein que celles qui n'en boive pas: Pas de lait=> 100 cancers / Du lait=> 56 cancers (Anette Hjartaker, IJC 2001).
Des études comme celle-là il y en a eu beaucoup, sur le lait et les produits laitiers (fromages, yogourts). Peter Parodi (Australie, JACN 2005) en a trouvé 52 et les a toutes analysées. La majorité de ces études constate que la consommation de lait protège contre le cancer du sein. Aucune étude ne trouve que le lait soit "mauvais", et quelques unes ne trouvent aucun d'effet. Une autre revue conclue que la consommation de lait n'a pas d'effet net sur le cancer du sein, plusieurs études montrant un effet protecteur du lait, quelques autres un effet néfaste, l'effet total étant "nul" (Karin Michels et al., 2007) , Avec certitude, on peut dire que pour le sein, le lait n'est PAS "pro-cancer".

Mais ces études concernent le lait AVANT le cancer. Est-ce pareil APRES ? Cela n'a pas été beaucoup étudié. La seule bonne étude sur 1500 femmes ayant eu un cancer du sein montre que c'est les plus "actives" (sport et dépenses d'énergie) et mangeant le plus de fruits et de légumes, qui survivent mieux que les autres (John Pierce, JCO 2007). Les produits laitiers n'ont pas eu d'effet (ni bon ni mauvais), sauf s'il sont trop gras: Candyce Kroenke montre les "survivantes" au cancer du sein qui mangent plus d'un produit laitier "gras" par jour ont un risque de récidive de +50% (JNCI 2013, 105:616). Les autres études soulignent, avec des preuves indirectes, l'intérêt des produits laitiers allégés (ex. lait 0%MG).

D'où vient cette crainte du lait ?

1- le lait serait pro-inflammatoire.
Jean Seignalet, immunologiste de Montpellier (mort en 2003), a suggéré que l'éviction totale du lait et du blé permettait à bon nombre de patients atteints de spondylarthrite ankylosante ou d'arthrite rhumatoïde d'en guérir (en faisant toute leur vie un régime sans AUCUN aliment contenant du lait ou du blé). Les preuves n'étaient pas suffisantes pour que Seignalet puisse publier ses résultats. Mais ce qui "marche" peut-être contre une maladie n'a pas de raison de marcher contre une autre: ces maladies articulaires n'ont pas grand chose à voir avec le cancer du sein.

2- les "facteurs de croissance" du lait seraient pro-cancer.
Qu'en est-il ? C'est vrai que le lait contient des "facteurs de croissance" naturels (la viande aussi). Dans le lait ce sont essentiellement l'hormone de croissance (bovine), l'IGF1 (Insulin Grotwh Factor 1), et les oestrogènes. L'hormone de croissance bovine n'est pas active chez l'homme (c'est pourquoi il est si difficile de traiter le nanisme). L'IGF1 et les oestrogènes sont des substances très actives, mais dans un grand bol de lait (écrèmé ou pas) il y en a 10 000 (IGF1) à 1000 000 (estradiol) fois MOINS que dans le corps de celle qui boit le lait (Parodi 05, cité ci-dessus). En effet, notre corps fabrique naturellement ces hormones, pour nos propres besoins. Malgré le bouquin de Jane Plant, c'est difficile de croire que ces mini-doses apportées par le lait puisse avoir un effet néfaste, surtout que la digestion en diminue encore le niveau.

Cependant la consommation de lait (ses protéines ?) augmente le niveau d'IGF1 dans le corps des enfants, ce qui favorise leur croissance et explique que les buveurs de lait grandissent plus (A.S. Wiley, AHB 2009). Cela ne semble pas augmenter le risque des cancers, sauf peut-être celui de la prostate (A.W.Roddam, AIM 2008). Aujourd'hui, que le lait soit la cause du cancer ou d'autres maladies n'est qu'une hypothèse, absolument pas prouvée (B.C.Melnik, Medical Hypotheses, 2009).

3- les produits laitiers sont trop gras.
Oui, c'est vrai que fromage et lait "entiers" sont "trop gras" pour ceux qui mangent déjà trop. Ces graisses sont largement saturées et contribuent probablement à l'obésité et aux accidents cardio-vasculaires. Pour les cancers, sein ou côlon, c'est moins évident. On a longtemps considéré que les graisses favorisaient le cancer, et quelques études suggèrent un petit effet pro-cancer après la ménopause (WCRF 2007, p.294). Mais les études prospectives, et les études d'intervention avec des régimes très maigres n'ont pas confirmé cela. On pense actuellement que c'est l'excès de calories et l'obésité, plus que les lipides saturés, qui favorisent les cancers. Enfin, les produits écrèmés ne sont, eux, pas gras du tout...

Le lait est donc sans danger, mais faut-il en manger ?

On a besoin de calcium, c'est certain. En France on mange pas mal de protéines et de sel, qui favorisent l'excrétion du calcium. Si l'on en mange trop peu, le calcium est "pris" dans nos os. A la longue cela mène à l'ostéoporose (fractures osseuses)*. Du calcium, il y en a dans des aliments variés, mais les produits laitiers sont une source importante de calcium bien assimilable. Je trouve donc imprudent de consommer moins de 700 ou 800 mg de calcium par jour et de se passer des produits laitiers. Sauf si on ne les supporte pas: ceux qui ne digèrent pas le lactose peuvent manger du fromage, qui n'en contient pas. Sur les besoins en Calcium, j'ai trouvé spécialement intéressante une interview de Léon Gueguen. Sur l'importance du lait pour l'enfant et de la vanité des craintes sur le lait de vache, un bon article français des Archives de Pédiatrie 2008. Cet article est fortement critiqué par le journaliste scientifique Thierry Souccar, qui trouve qu'on recommande beaucoup trop les produits laitiers en France (voir ses arguments, polémiques mais bien étayés, sur site Nutrition Souccar)

Le calcium ne semble pas avoir d'effet sur les cancers du sein, mais il agit peut-être sur deux autres types de cancers: colon et prostate. Le calcium diminue surement le risque de cancer colorectal (effet modeste, bien démontré par John Baron, NEJM 1999). Mais le calcium (ou les produits laitiers) augmenterait le risque de cancer de la prostate: La méta-analyse du WCRF 2007 montre en effet un risque de cancer prostatique augmenté de 30% chez ceux dont le régime est le plus riche en calcium. D'autres méta-analyses ne retrouvent pas d'effet significatif (Huncharek 2008), et les suppléments de calcium ont plutot diminué le risque de cancer de la prostate dans l'études de J.Baron (CEBP 2005).
Si vous voulez discuter cette question, si vous avez des arguments solides, merci de m'écrire (E-mail en bas de ma page Denis)
Vous pouvez lire aussi une discussion sur: Nutrition, santé et produits laitiers (oct.09)

* On n'est pas tous pareil

Pour résumer ce qui précède, non seulement le lait n'est pas mauvais, mais il est fort utile. Mais on n'est pas tous pareil:
Si après un bol de lait, vous avez mal au ventre et de la diarrhée: arrêtez le lait. C'est probablement une intolérance au lactose. Essayez de voir si fromage ou yaourt passent mieux. Sinon, arrêtez les produits laiters, mais, attention... la carence en calcium vous guette ! On peut avoir assez de calcium sans lait, mais ce n'est pas facile !

On voit aussi des gens qui arrêtent le lait sur les conseils d'un ami, ou d'un toubib. Ils ont l'impression que "ça va mieux".
Attention ! S'ils ont effectivement une maladie grave qui disparait, c'est super (mais je demande à voir).
Mais si c'est juste une vague impression, méfiance ! ça risque de ne pas aller mieux du tout quelques années plus tard. Quand on est décalcifié c'est très dur (voire impossible) de remonter la pente !

La consommation régulière de calcium en quantité suffisante participe à la formation et au maintien des os, et probablement à la réduction des fractures osseuses due à l'ostéoporose des personnes agées. Contre l'ostéoporose, d'autres facteurs sont important aussi: faire de l’exercice, manger peu de sel et pas trop de protéines animales mais beaucoup de fruits et de légumes, s’exposer un peu au soleil (pour la vit.D) et ne pas fumer du tout.


Hypothèse originale sur Lait, Fromage et Cancer de la Prostate

Je propose l'hypothèse suivante : Lait et fromage n'ont pas le même effet pro-cancer de la prostate.

Voici quelques faits qui supportent, sans la démontrer, mon hypothèse:

1- La consommation de lait favorise la synthèse d'insuline et d'Insulin-like Growth Factor 1 (IGF1) chez l'homme.
(Lin 09 PMID:19746296: "Eight randomized controlled trials indicated that the circulating IGF-I level was significantly higher in the milk intervention group."). C'est ce qui explique que les adolescents qui boivent beacoup de lait grandissent plus que les autres, et que les nouvelles générations sont plus grandes que les précédentes).

2- Le lait contient deux classes de protéines: caséines et protéines du petit-lait (Whey). Ces 2 types de protéines stimulent la synthèse de deux facteurs de croissance différents: IGF1 et insuline.
("Casein increases blood IGF1 but whey increases blood insulin" Hoppe 09 PMID:19471293).

3- Un fort taux d'insuline et d'IGF1 circulant est associé au risque de cancer de la prostate
(Lima 09 PMID:20126849 ; Rowlands 09 PMID:19142965)

4- La consommation de calcium et de produits laitiers (y compris spécifiquement les yaourts) est associée au risque de cancer de la prostate
(cf. Kesse PMID:16512941 - une association statistique apparait dans les études épidémiologiques: ce n'est pas la preuve directe de cause à effet)

5- Lors de la fabrication de fromage, on précipite les caséines par acidification (lactobacilles) et/ou avec la présure (enzyme). Le caillé qui en résulte est alors égoutté, et il perd avec son petit-lait l'essentiel du lactose et des protéines autres que les caséines. Le fromage issu de ce caillé ne contient que les caséines et les lipides
(sauf quelques fromages récents où l'on réintroduit les protéines du petit-lait concentrées par ultra-filtration, procédé Maubois-Mocquot-Vassal). Le yaourt contient toutes les protéines du petit-lait en plus des caséines.)

Je suppose que le fromage n'induit pas la sécrétion simultannée d'insuline et d'IGF1 et ne favoriserait donc pas les cancers de la prostate. Cette hypothèse nouvelle, et sa variante exprimée pour la première fois en octobre 2009 dans une interview Agrobiosciences, reste à confirmer ou à infirmer.

Si mon hypothèse est vraie la consommation de fromages n'est pas associée au risque de cancer de la prostate, car elle ne stimule pas la syntèse des mêmes facteurs de croissanc que le laitbr> (Kesse PMID:16512941 a cherché cette relation Fromage/cancer: elle trouve chez les hommes de la cohorte SUVIMAX un RR du fromage de 0.9 et après ajustement sur le calcium de 0.65 NS mais qui n'indique pas une promotion. Par contre la consommation de fromage frais, comme les yogourt, semble associée à un excès de risque dans cette cohorte)

La conséquence est importante: les produits laitiers sont en effet d'excellents aliments pour leur apport de calcium et de protéines, et pour l'utilisations de surfaces difficiles à cultiver (paturages de montagne). Le fromage a déjà l'avantage de ne pas gèner les intolérants au lactose. S'il a de plus l'intérêt de ne pas favoriser le cancer de la prostate, sa consommation devrait être encouragée au détriment de celle du lait liquide ou du yaourt. Mais, attention, il ne s'agit que d'une hypothèse non prouvée.

Original hypothesis on Milk, Cheese and Prostate Cancer

I propose the following hypothesis: Milk and cheese do not have the same pro-cancer effect on prostate.

Here are some facts that support, but do not prove, my hypothesis:
1 - Intake of milk promotes insulin and insulin-like growth factor 1 (IGF1) synthesis in humans.
(Lin 09 PMID: 19746296: "Eight randomized controlled trials indicated that the circulating IGF-I level was Significantly high in the milk intervention group."). This explains that teenagers who drink LOTS of milk grow hiegher than others, and that new generations are taller than the previous ones).

2 - Milk contains two classes of proteins: casein and whey proteins. These two types of proteins stimulate the synthesis of two different growth factors: IGF1 and insulin.
("Casein increases blood IGF1, but whey increases blood insulin" Hoppe 09 PMID: 19471293)

3 - High blood insulin and IGF1 are associated with risk of prostate cancer
(Lima 09 PMID: 20126849; Rowlands 09 PMID: 19142965)

4 - The consumption of calcium and dairy products (including yogurt) is associated with risk of prostate cancer
< (Kesse PMID: 16512941 - BUT statistical associations in epidemiological studies do not provide direct proof of cause and effect)

5 - during cheese processins, caseins are precipitated by acidification (lactobacilli) and / or with rennet (an enzyme). The resulting curd is then drained, and it loses lactose and whey proteins. Cheese thus contains casein and fat only
(Some new cheeses are processed by reintroducing the whey proteins concentraite, after ultra-filtration process Maubois-Mocquot-Vassal. Yogurt contains all the whey proteins in addition to casein.)

I guess the cheese does not induce the simultaneous secretion of insulin and IGF1 and therefore does not promote prostate cancer. This new hypothesis, and its variant expressed for the first time in October 2009 in an interview Agrobiosciences interview, remains to be confirmed or denied.

If my hypothesis is true cheese consumption is not associated with risk of prostate cancer because it does not stimulate syntesis the same growth factors than milk
(Kesse PMID: 16512941 looked for the Cheese / Cancer relationship: among cohort SUVIMAX men, cheese RR=0.9, and after adjusting for calcium, RR=0.65 NS. In contrast, yogourt and fresh white cheese (kind of cottage cheese), were associated with a higher prostate cancer risk in this cohort)