Aliments & Santé - Risque-Bénéfice des Aliments ?

Aliments SAIN & LIM = Bon & Mauvais
par Denis Corpet, Déc 2010. Révis.part. 2015

SAIN LIM Darmon Certains aliments sont bons: bon pour la santé, sain, healthy. D'autres seraient "mauvais": néfastes, voire toxiques
Ma collègue, Nicole Darmon et son équipe ont mis au point l'excellent système SAIN & LIM pour évaluer de façon systématique "le bon et le mauvais" dans chaque aliment. Je présente ici ce qui peut servir à tous pour choisir ses aliments et faire au mieux ses menus. Si vous trouvez ça génial (et à mon avis ça l'est), essayez de lire le gros rapport Profils Nutritionnel AFSSA (Définition de profils nutritionnels pour l’accès aux allégations nutritionnelles et de santé. 85 pages). Ou achetez le livre, 55€ chez Lavoisier. C'est cher pour un livre, mais c'est rien par rapport à une année d'achat de faux "cordons bleus" (friant fromage-jambon super-gras) plus une première journée à l'hôpital ;) =>
Ce système simple et universel, est destiné à établir les profils nutritionnels pour l'autorisation des allégations santé en Europe (Règlement 1024/2006). Le calcul du SAIN ne tient compte que de 5 "bons" nutriments , de leur niveau par rapport aux Apports Nutritionnels Conseillés (protéines, fibres, vitamine C, calcium, fer), et leur densité par rapport aux calories. Un calcul plus précis du SAIN prend en compte 9 ou 15 nutriments au lieu de 5 (cf. bas de page). Le calcul du LIM ne prend en compte que 3 choses: le sel, les graisses saturées, et le sucre ajouté. Nicole Darmon à montré qu'on ne gagnait pas grand chose en rajoutant des nutriments dans le calcul.
A mon avis, les 5+3 nutriments pris en compte suffisent pour les profils nutri. du Règlement UE-2006 "Allégations". Mais on gagnerait bcp à ajouter l'index glycémique au Lim (limiter les aliments de fort IG). Et les "phytochemicals" protecteurs au Sain (polyphénols, glucosinolates, caroténoïdes, allyl-sulfides). Normal que Nicole ai fait autrement, car cela n'est pas encore "au point": Pas de table fiable de l'IG des aliments, qui change suivant le repas complet ! Pas de table fiable des phytochemicals ni de conscensus sur les plus utiles. Il s'agit donc de recherche appliquée à un domaine limité (comparer des céréales, ou des légumes)

SAIN = aspects favorables de l'aliment
- Score d’Adéquation Individuel aux recommandations Nutritionnelles (c'est sain !)
- Exprimé pour 100 kcal : c'est une densité nutritionnelle (ratio nutriments/énergie)
- Le SAIN mesure le respect moyen des Apports Nutritionnels Conseillés (ANC)
LIM = aspects défavorables de l'aliment
- Score de composés à LIMiter sur le plan nutritionnel
- Exprimé pour 100 g : teneurs en sel, acides gras saturés et sucres ajoutés
- Le LIM mesure l'excès par rapport aux valeurs maximales recommandées

Ci-dessous, deux schémas tirés d'une présentation faite par Nicole Darmon en 2007 à l'INPS : SAIN & LIM.
La première (click to view 2010 version) présente tous les groupes d'aliments dans le "plan" SAIN,LIM (l'autre présente légumes & fuits). Ce système n'est pas parfait, mais il aide à choisir des aliments qui contiennent beaucoup de "bons" nutriments et peu de "mauvais" éléments ! Sur le schéma on voit que les "junk foods" sont regroupées en bas à droite (sucreries, bonbons, viennoiseries, boissons sucrées...) et que crudités, fruis frais, légumes cuits sont en haut à gauche (clique pour voir grande figure 2010).
SAIN LIM groupes aliments Darmon

Bon, après avoir vu "tous" les aliments, et les 4 grands groupes, regardons juste les fruits et légumes, que le PNNS nous recommande tant (version 2007, désolé je n'ai pas trouvé mieux). Pour les autres groupes (féculents, viandes & poissons, plats composés, "junk-foods") voir la conf.INPS 2007. Sur le schéma ci-dessous on voit que fruits & légumes sont presque tous dans le "bon quart", en haut à gauche. Mais on voit aussi que certains sont meilleurs que d'autres (par ex. les épinards et chou rouge ont un meilleur score SAIN que jus de raisin ou le maïs).

* Une des limites de ce système SAIN,LIM : Le calcul du score SAIN ne tient compte que de 5 nutriments, et il ne valorise pas du tout certains nutriments rarement présents (ex.: sélénium des noix du Brésil), ou des susbstances non nutritives mais probablement fort utiles pour la santé (ex.: lycopène des tomates cuites ou polyphénols des myrtilles). Cependant une partie du problème a déjà été corrigée en ajoutant quatre nutriments pour le calcul du SAIN des aliments "gras" (vitamine D, vitamine E, acide alpha-linolenique =oméga-3, et acide oléique =monoinsaturé). Ceci remonte fortement le score SAIN des noix, des poissons gras et des huiles bénéfiques (voir le document AFSSA cité plus haut et les publications de N.Darmont sur son site).

* Une autre limite du système SAIN,LIM concerne les glucides: l'Index Glycémique des aliments n'est pas pris en compte (du coup les pommes de terres, = glucide "rapide", sont mieux notées que les nouilles = glucide lent), et les sucres "rapides" non ajoutés ne sont pas considérés comme gènants (du coup le miel et le jus de pomme sont considérés comme "neutres" et le jus d'orange sur-valorisé à mon avis). Récemment (E-mail N.Darmon 23/12/2010) les sucres "disponibles" des boissons ont été comptés dans le LIM, et pas seulement les sucres ajoutés, ce qui décale les jus de fruits vers la droite (clique SAIN,LIM 2010): d'après moi, c'est mieux.
SAIN LIM Légumes Fruits Darmon

Je vous conseille vraiment de regarder la présentation complète faite par Nicole Darmon en 2007 à l'INPS : SAIN & LIM
Et aussi, recopiés ci-dessous, l'interview de Nicole Darmon dans le Monde, avec un résumé de son bouquin


"Ce n'est pas compliqué de bien manger"

LE MONDE | 22.11.08 | 15h32 - Propos recueillis par Sandrine Blanchard:

"Que ta nourriture soit ton premier médicament" Ce conseil d'Hippocrate, père de la médecine moderne, n'a jamais perdu de sa pertinence. L'urbanisation, la sédentarité et la multiplication d'une offre alimentaire de plus en plus riche ont contribué au développement des maladies cardio-vasculaires, du diabète et de l'obésité, devenue, dans les pays industrialisés, un enjeu de santé publique. Le lien entre alimentation et santé n'est plus à démontrer.

Campagne du Programme national nutrition santé (PNNS), message de prévention dans les publicités alimentaires : le grand public est de plus en plus sensibilisé à l'importance du bien-manger pour rester en forme. Signe des temps, les écoliers européens se verront bientôt distribuer un fruit à la récréation pour lutter contre les mauvaises habitudes alimentaires.

Mais devant la profusion de l'offre alimentaire et des allégations santé sur les emballages, comment s'y retrouver ? Nicole Darmon, chercheuse à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), responsable de l'équipe "qualité nutritionnelle des aliments et modélisation des choix alimentaires", a mené, avec le docteur Michel Darmon, biochimiste, un travail scientifique précis sur "l'équilibre nutritionnel".

Vous avez travaillé sur de nouveaux indicateurs de qualité nutritionnelle, le SAIN et le LIM. A quoi servent-ils ?
Il s'agit d'une nouvelle étape dans le raisonnement nutritionnel. Elle lève un grand tabou. Avant, les nutritionnistes disaient toujours : "Il n'y a pas de bons et de mauvais aliments, il n'y a que de mauvais régimes." En réalité, c'est l'équilibre relatif entre les qualités et les défauts nutritionnels d'un aliment qui détermine si, in fine, il est bon ou mauvais pour la santé. Nous proposons d'estimer les qualités nutritionnelles par le SAIN, ou score d'adéquation individuel aux recommandations nutritionnelles, qui est un indicateur de densité nutritionnelle (teneur en vitamines, minéraux, fibres et acides gras essentiels), et les défauts nutritionnels par le LIM (score des composés dont il faut limiter la consommation), c'est-à-dire la teneur en sel, sucre et acides gras saturés.

Le bon aliment par excellence est celui qui a une densité énergétique modérée (teneur en calories), un fort SAIN et un faible LIM. C'est le cas de tous les aliments peu ou pas transformés (fruits, légumes, céréales complètes, poissons, produits laitiers frais, légumes secs...). Ils ont toujours plus de qualités que de défauts, si bien qu'il est facile, en les combinant, d'atteindre l'ensemble des recommandations nutritionnelles.

A l'inverse, de nombreux produits transformés (snacks salés, produits sucrés, charcuteries grasses...) ont une forte densité énergétique, un faible SAIN et un fort LIM, car ils sont issus de l'assemblage d'ingrédients appauvris en nutriments mais riches en calories (sucre, farine blanche, matières grasses...). Avec ces aliments, il est impossible de couvrir l'ensemble des besoins nutritionnels.

On en revient à des recommandations basiques, à l'image du Programme national nutrition santé...
Oui, en nutrition, les choses sont assez simples et les mêmes recommandations sont valables pour tout et pour tous. Elles permettent de se protéger des risques de cancer, de maladies cardio-vasculaires, de diabète, d'hypertension, d'ostéoporose... Le PNNS met en avant des aliments simples, mais il manque de précision lorsqu'il prône de manger "moins gras, moins salé, moins sucré".

Ce n'est pas compliqué de bien manger. Ce qui est compliqué, c'est de résister aux pressions publicitaire et financière. Les produits porteurs d'allégations santé - comme les céréales au chocolat pour le petit-déjeuner - ont semé la confusion. Un produit peut être "riche en vitamines" et par ailleurs plein de sucre. La nouvelle réglementation européenne - qui prévoit que seuls les produits ayant un profil nutritionnel favorable puissent avoir une allégation inscrite sur leur emballage - devrait permettre d'assainir le paysage.

Favoriser les aliments non transformés dans son alimentation oblige à davantage cuisiner. Lorsqu'on cuisine, on échappe à une certaine standardisation de la nourriture. Mais il n'est pas non plus indispensable de passer des heures à cuisiner pour faire une bonne salade composée. Le régime crétois est un très bon modèle. Ce qui est intéressant, ce sont tous les ajouts d'ingrédients tels que le persil, les pignons, les olives, les anchois... qui procurent une grande diversité, et rehaussent non seulement le goût mais aussi la qualité nutritionnelle car ils sont particulièrement denses en nutriments essentiels.

Est-il plus difficile de bien manger lorsqu'on dispose d'un petit budget ?
Oui, c'est plus difficile. Il existe un seuil critique, de l'ordre de 3,5 à 4 euros par jour et par adulte, en dessous duquel il est pratiquement impossible d'avoir une alimentation équilibrée. Les contraintes budgétaires orientent les choix alimentaires vers des aliments denses en énergie et pauvres en nutriments car, hélas, les aliments recommandés pour la santé sont en général des sources de calories plus chères que les aliments dont il est conseillé de limiter la consommation. Qu'ils soient de marque ou de premier prix, les biscuits et les chips sont toujours des sources d'énergie moins chères que les fruits et les légumes.

C'est donc avant tout en réduisant la diversité alimentaire que les contraintes économiques ont un impact négatif sur la qualité nutritionnelle. Le recours aux aliments premier prix, au moins pour ceux de base, peut être une solution pour manger équilibré à un coût modéré car, pour une même catégorie, les produits premiers prix ne sont pas plus gras ni plus sucrés que ceux de marque mais coûtent deux à trois fois moins cher.


SAIN LIM Darmon

L'Equilibre nutritionnel
Nicole Darmon & Michel Darmon, éd. Tec & Doc, 298 p., 55 €

Vive l'huître, la mâche et le foie de veau !

L'ouvrage de Nicole et Michel Darmon classe tous les aliments selon leur score d'adéquation individuel aux recommandations nutritionnelles (SAIN) et leur score des composés dont il faut limiter la consommation (LIM). A titre d'exemple, les huîtres atteignent un score SAIN de 105,7 contre 3,9 pour une pizza au chorizo...

En tête du classement SAIN : huîtres ; cresson, épinard, mâche, pissenlit, poivron, carotte ; persil frais, fines herbes, ciboulette ; saumon, thon rouge, maquereau, sardine ; foie (veau, agneau, génisse ou volaille), rognons ; cassis, goyave, papaye, mûre, fraise, kiwi. (mais voir remarque Denis ci-dessous)

Il est en outre recommandé de :
- ne pas faire de régime restrictif ou insolite ;
- manger du pain complet ou bis ;
- prendre un vrai petit-déjeuner en évitant les céréales enrichies ;
- boire essentiellement de l'eau ;
- essayer de manger en famille ou entre amis sans se presser et sans faire autre chose.
In fine, ne pas oublier de faire de l'exercice physique !

Denis Corpet : "La liste des aliments en tête du classement SAIN laisse rêveur, car un régime à base d'huitres, de cresson et de cassis n'est pas à la portée de tous. Mais Nicole Darmon s'intéresse beaucoup à l'alimentation des plus pauvres". D'après N.Darmont on arrive à équilibrer son régime avec un petit budget. Mais pas trop petit tout de même: en 2006 le minimum vital pour une femme était 3€20 par jour. Avec si peu d'argent, les aliments les plus "SAIN" deviennent les abats (foie de génisse et de volaille), conserve de légumes (épinards, lentilles) et de poissons (maquereau, sardines), noix et fruits secs, le lait écrémé et ... le chocolat noir ! (Darmon et al. J.Nutr.Educ.Behav.2006).


Nutriments pris en compte dans le calcul du SAIN et leurs ANC (N= 5 ou 9 ou 15: il y a des variantes):
Protéines 65g, Fibres 25 ou 30g, Vitamine C 110mg, Calcium 900mg, Fer 12,5 mg /
Vitamine D 5µg / Vitamine E 12mg, Acide alpha-linolénique =oméga-3 1,8g ; acide gras monoinsaturé/
Thiamine (B1) 1,2mg, Riboflavine (B2) 1,6mg, Vitamine B6 1,7mg, Folates (vit.B9) 315µg, Magnésium 390mg, Zinc 11mg, Potassium 3100mg, DHA =oméga-3 0,11g

Nutriments pris en compte dans le calcul du LIM et leurs limites max pour 100g d'aliments
- Sodium, Na: 3153mg (= 8g de sel)
- Acides Gras Saturés, AGS: 22g (correspond à 10% de 2000kcal)
- Sucres simples, GS: 50g (correspond à 10% de 2000kcal)

Cours Nutrition - Hygiène de Denis Corpet